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Une personne marche sous la pluie devant des bâtiments aux couleurs vives avec un parapluie. La photo est prise à travers une fenêtre avec des gouttes de pluie sur la vitre.
Les épisodes La Niña se traduisent généralement par des conditions plus fraîches et plus humides, mais cela n'est vrai qu'en moyenne à l'échelle mondiale. Luis Robayo/AFP via Getty Images

Avec l’arrivée de La Niña, des ouragans plus intenses sont-ils à craindre ?

L’épisode El Niño, l’un des principaux responsables des températures records mesurées dans le monde l’année dernière, est presque terminé. Son antagoniste, un épisode La Niña, est en route.

Un soulagement ? Cela dépend en partie de l’endroit où vous vivez. Des températures supérieures à la normale sont encore prévues aux États-Unis pour l’été 2024. Si vous vivez le long des côtes américaines de l’Atlantique ou du Golfe, La Niña pourrait contribuer à produire la pire combinaison possible de conditions climatiques favorable aux ouragans.

Pedro DiNezio, spécialiste de l’atmosphère et des océans à l’Université du Colorado, qui étudie El Niño et La Niña, explique ce qui nous attend.


Qu’est-ce que La Niña ?

La Niña et El Niño sont les deux extrêmes d’un schéma climatique récurrent qui peut affecter la météo dans le monde entier.

Les prévisionnistes considèrent qu’un épisode La Niña débute lorsque les températures dans l’océan Pacifique oriental, le long de l’équateur à l’ouest de l’Amérique du Sud, se refroidissent d’au moins un demi-degré Celsius par rapport à la normale. Pendant un épisode El Niño, au contraire, la même région se réchauffe.

Ces fluctuations de température peuvent sembler minimes, mais la façon dont elles affectent l’atmosphère se répercute sur l’ensemble de la planète.

Comment naissent La Niña et El Niño ? NOAA.

Les tropiques présentent un schéma de circulation atmosphérique appelé « circulation de Walker », du nom de Sir Gilbert Walker, physicien anglais du début du XXe siècle. La circulation de Walker est essentiellement constituée de boucles géantes d’air qui montent et descendent dans différentes parties des tropiques.

Normalement, l’air monte au-dessus de l’Amazonie et de l’Indonésie, ce qui est favorisé par l’humidité des forêts tropicales (la vapeur d’eau étant plus légère que l’air sec). Il redescend ensuite en Afrique de l’Est et dans le Pacifique oriental.

Pendant un épisode La Niña, ces boucles s’intensifient, générant des conditions plus orageuses là où elles s’élèvent, et des conditions plus sèches là où elles descendent. Pendant El Niño, la chaleur de l’océan dans le Pacifique oriental déplace ces boucles, ce qui rend le Pacifique oriental plus orageux.

Une carte montrant des boucles, avec de l’air ascendant sur l’Amazonie et l’Indonésie
Pendant La Niña, la circulation de Walker s’intensifie, déclenchant des tempêtes plus violentes là où l’air s’élève. Fiona Martin, NOAA Climate.gov
Une carte montrant des boucles, avec de l’air ascendant sur l’est du Pacifique
Pendant El Niño, la circulation de Walker se déplace vers l’est, de sorte que davantage de tempêtes se forment au large de la Californie lorsque l’air chaud s’élève au-dessus des eaux plus chaudes de l’est du Pacifique. Fiona Martin, NOAA Climate.gov

Les phénomènes EL Niño et La Niña affectent également le courant-jet (ou jet stream), un puissant courant d’air qui souffle d’ouest en est à travers les États-Unis et d’autres régions de latitude moyenne.

Pendant El Niño, le courant-jet a tendance à déplacer les tempêtes vers les régions subtropicales, ce qui rend ces régions habituellement sèches plus humides. À l’inverse, les régions des latitudes moyennes qui sont normalement touchées par les tempêtes deviennent plus sèches parce que les tempêtes s’en éloignent.

Cette année, les prévisionnistes s’attendent à une transition rapide vers un épisode La Niña, probablement à la fin de l’été. Après un épisode El Niño prononcé comme celui que le monde a connu fin 2023 et début 2024, les conditions tendent à basculer assez rapidement vers celles de La Niña.

La question de savoir combien de temps l’épisode va durer reste ouverte. Ce cycle a tendance à passer d’un extrême à l’autre tous les trois à sept ans en moyenne, mais si les épisodes El Niño ont tendance à être de courte durée, les épisodes La Niña peuvent durer plus de deux ans.

Le lien entre La Niña et les ouragans

Les températures dans le Pacifique tropical affectent également le cisaillement des vents sur de grandes parties de l’océan Atlantique.

Le cisaillement du vent est une différence de vitesse du vent à différentes hauteurs ou dans différentes directions. Les ouragans ont plus de mal à maintenir la structure de leur colonne en cas de fort cisaillement du vent, car les vents plus forts en altitude poussent la colonne à s’écarter.

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Un épisode La Niña produit moins de cisaillement du vent, alors que celui-ci freine généralement les ouragans. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants des régions exposées aux ouragans comme la Floride. En 2020, lors de la dernière période La Niña, l’Atlantique a connu un nombre record de 30 tempêtes tropicales et de 14 ouragans. En 2021, il s’agissait de 21 tempêtes tropicales et de 7 ouragans.

Les prévisionnistes annoncent d’ores et déjà que la saison des tempêtes de l’Atlantique de cette année pourrait rivaliser avec celle de 2021, en grande partie à cause de La Niña. L’Atlantique tropical a également été exceptionnellement chaud, avec la température des eaux de surface qui bat des records depuis plus d’un an. Cette chaleur affecte l’atmosphère et provoque davantage de mouvements atmosphériques au-dessus de l’Atlantique, ce qui alimente les ouragans.

Avec La Niña, le retour de la sécheresse dans le sud-ouest des États-Unis ?

Les réserves d’eau du sud-ouest des États-Unis seront probablement suffisantes pour la première année de La Niña en raison de toutes les pluies tombées au cours de l’hiver dernier. Mais la deuxième année tend généralement à devenir problématique. Une troisième année La Niña, comme celle que la région a connue en 2022, pourrait entraîner de graves pénuries d’eau.

Les conditions plus sèches alimentent également des feux de forêt plus violents dans l’Ouest, en particulier à l’automne, lorsque les vents se lèvent.

Illustration de la configuration des vents de La Niña
Pendant La Niña, le courant-jet a tendance à se déplacer vers le nord, ce qui provoque des conditions plus sèches dans le sud-ouest des États-Unis. NOAA Climate.gov

La Niña dans l’hémisphère sud

Les effets d’El Niño et de La Niña sont presque identiques dans l’hémisphère sud, à quelques différences notables près.

Le Chili et l’Argentine ont tendance à souffrir de la sécheresse pendant La Niña, tandis que les pluies s’intensifient en Amazonie. L’Australie a connu de graves inondations lors du dernier épisode La Niña. La Niña favorise également la mousson en Inde, ce qui se traduit par des précipitations supérieures à la moyenne. Les effets ne sont toutefois pas immédiats. En Asie du Sud, par exemple, les changements tendent à se manifester quelques mois après l’apparition officielle de La Niña.

Les épisodes La Niña sont dangereux pour l’Afrique de l’Est, où des communautés vulnérables sont déjà confrontées à une sécheresse de longue durée.

Une carte mondiale montre les zones susceptibles d’être plus chaudes, plus sèches ou plus humides pendant le phénomène La Niña
Impacts climatiques typiques de La Niña. NOAA Climate.gov

L’impact du changement climatique

Les phénomènes El Niño et La Niña se surajoutent aux effets du réchauffement climatique. Cela peut exacerber les températures, comme le monde l’a vu en 2023, et faire bondir le cumul des précipitations.

Depuis l’été 2023, le monde a connu dix mois consécutifs de températures mondiales records. Une grande partie de cette chaleur a été stockée dans les océans, qui affichent toujours des températures records.

La Niña devrait rafraîchir un peu la situation, mais les émissions de gaz à effet de serre, qui sont à l’origine du réchauffement de la planète, continuent d’augmenter en arrière-plan. Ainsi, même si les fluctuations entre El Niño et La Niña peuvent entraîner des variations de température à court terme, la tendance générale reste au réchauffement de la planète.

This article was originally published in English

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